Texte de Sandrine Bavaud que nous remercions chaleureusement pour sa participation. Droits des migrants et spécificité des migrantes
La déclaration universelle des droits humains stipule que toute personne est libre de circuler librement dans son pays et de voyager à l’étranger (art. 13) et, devant la persécution, de bénéficier de l’asile en d’autres pays (art. 14). En découlent des Conventions internationales. Le domaine du droit international humanitaire, par exemple, est réglementé par les Conventions de Genève et leur mise en oeuvre relève de la responsabilité des Etats signataires.
La migration n’est pas un phénomène nouveau. La globalisation du marché du travail existe déjà depuis 500 ans. Par contre, le nombre de réfugiées et de réfugiés n’a jamais été aussi bas depuis 25 ans, les conflits armés ayant relativement diminué. Ils sont cependant, selon le Haut Commissariat des Nations Unies, de plus en plus mal considérés, désignés de plus en plus comme des abuseurs ou de potentiels terroristes. Inversement, le nombre de personnes fuyant les guerres civiles, la misère ou les catastrophes environnementales, augmente considérablement. Cela dit, contrairement à certains préjugés, tous les réfugiés n’immigrent pas en Europe, 70% d’entre eux étant accueillis par les pays du Sud.
La situation en Suisse
La Suisse recense 21% d’étrangers, entre 100 à 150’000 sans-papiers et moins de 2% de requérants d’asile et de réfugiés. 1’500 à 3’000 femmes victimes des trafiquants d’humains arrivent dans notre pays chaque année. La majorité des prostituées, dominées par l’argent des hommes, sont d’origine étrangère. Un très faible pourcentage de nos migrants est soumis à Loi sur l’Asile (LAsi), les autres à la Loi sur les étrangers (LEtr). Cette dernière intègre le principe de la migration choisie. Il devient ainsi quasi impossible pour les ressortissants extra-européens d’obtenir une autorisation de séjour. En principe, exclusivement les forces de travail hautement qualifiées sont reconnues et, à l’autre extrémité, les danseuses de cabaret. Or, la Suisse manque de main-d’oeuvre « peu » qualifiée. Malgré les besoins reconnus par nos autorités (principalement dans l’économie domestique et l’agriculture), même les sans-papiers ne parviennent pas à sortir de leur statut de clandestin.
La plupart des sans-papiers contribuent aux assurances sociales, payent des impôts et les enfants sont scolarisés. Néanmoins, ils vivent dans des zones de non-droit. Ils renoncent à s’affilier à une assurance maladie par crainte d’une dénonciation, ils n’accèdent pas à notre système de prévention des soins, ils peuvent être corvéables à merci. Le risque d’expulsion étant toujours présent, il est difficile de faire reconnaître ses droits en tant que travailleuses ou travailleurs. A partir du moment où une famille réside dans un même canton depuis 5 ans (9 ans pour un célibataire) et moyennant une intégration professionnelle et donc une stabilité financière, une demande de régularisation peut être entamée. Mais les preuves font souvent défaut. Dans le canton de Vaud, depuis 2002, moins de 2% des 12 à 15’000 sans-papiers, dont certains vivent chez nous depuis plus de 10 ans, sont parvenus à obtenir un permis de séjour.
Les sans-papières, un exemple révélateur de la division des sexes
A Lausanne, 30 à 50% des sans-papiers sont des femmes qui travaillent dans l’économie domestique : nettoyage, prise en charge des personnes âgées, garde des enfants. Le travail rémunéré des femmes augmentant, les tâches familiales qui leur étaient dévolues – et qui le sont toujours – sont transférées à des migrantes. Tant que les hommes ne participeront pas davantage à l’éducation des enfants et aux tâches ménagères, la division des sexes peut perdurer ici comme ailleurs, les mères qui quittent leur pays d’origine sans leurs enfants, les confient aussi à des femmes. Ainsi, une augmentation des disparités entre les femmes s’accroît : certaines progressent à des postes qualifiées, d’autres cumulent à la pénibilité du travail, des salaires et des prestations sociales au plus bas de l’échelle.
Il conviendrait de reconnaître la participation des étrangères et des étrangers à la vie économique, sociale, culturelle et politique de notre pays. Tous les migrants vivant en Suisse devraient être soumis aux mêmes droits et aux mêmes obligations : rien ne justifie un meilleur traitement pour les étrangers provenant de l’Union Européenne ou de l’AELE. Les règles du commerce international qui fabrique la pauvreté devraient être corrigés. La production de cacao est révélatrice : les recettes mondiales avoisinent 90 milliards de francs, dont moins de 5 milliards reviennent aux cultivateurs. Pour autant, l’exploitation de migrants et plus particulièrement de femmes étrangères ne découle pas uniquement des disparités entre le Sud et le Nord. Il résulte aussi du colonialisme, du sexisme et de bien d’autres facteurs.